La pratique notariale est souvent confrontée aux constructions et travaux irréguliers.
Toutefois le Code de l’urbanisme a institué une prescription décennale au-delà de laquelle ces irrégularités ne peuvent pas faire obstacle à de nouveaux travaux.
Ainsi, l’article L. 421-9 introduit dans le Code de l’urbanisme par la loi ENL du 13 juillet 2006 indique : « lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l’urbanisme. (…) ». Cette prescription administrative décennale est toutefois écartée : « e) lorsque la construction a été réalisée sans qu’aucun permis de construire n’ait été obtenu, alors que celui-ci était requis » ; cet alinéa étant issu, dans sa nouvelle rédaction, de l’article 80 de la loi ELAN.
Dès lors, lorsqu’une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou de déclaration de travaux ne peut être fondé sur l’irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l‘urbanisme – TA Toulon, 26 févr. 2010, Mme Garcin, no 0801606. Et ce, à condition que les travaux n’aient pas, à l’époque de leur réalisation, eu besoin de permis de construire.
Sont donc exclus du bénéfice de la prescription tous les travaux réalisés sans permis de construire, en méconnaissance des prescriptions alors applicables, peu importent qu’ils soient réalisés lors de la construction primitive ou à l’occasion des travaux apportés à celle-ci et, sans qu’il y ait lieu de tenir compte de leur importance.
Peuvent, en revanche, bénéficier de la prescription les travaux réalisés irrégulièrement depuis plus de dix ans, dès lors qu’ils relevaient du régime de la déclaration préalable. Par exemple, une construction initialement autorisée qui aurait fait ultérieurement l’objet de travaux emportant changement de destination mais relevant du régime de la déclaration préalable (C. urb., art. R. 421-14), bénéficiera désormais de la prescription.
Il conviendra donc, en pratique, d’analyser si les travaux irréguliers étaient soumis à déclaration préalable lorsqu’ils furent réalisés.
En pratique, si une déclaration préalable devait présider à la réalisation des travaux, deux hypothèses peuvent se présenter :
Le délai de dix ans n’est pas écoulé, et une nouvelle autorisation est nécessaire au vu des travaux à venir : il sera alors prudent de régulariser, si c’est possible, les travaux initiaux en déposant une déclaration préalable pour éviter un rejet de la nouvelle demande au motif de l’irrégularité de la construction initiale. Cette régularisation peut se faire par une autorisation globale incluant les anciens et les nouveaux travaux – CE, 13 décembre 2013, n° 349081. Mais, si l’action pénale n’est pas prescrite – soit 6 ans après l’achèvement des travaux -, ces travaux irréguliers sont susceptibles de faire l’objet de sanctions et donc d’amendes au titre de l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme.
Si le délai de dix ans, est écoulé, la nouvelle autorisation peut être déposée et ne peut être refusée sur le fondement de l’irrégularité de la construction initiale. Les travaux resteront irréguliers mais ne pourront servir de fondement au rejet d’une nouvelle autorisation pour d’autres travaux. Cette irrégularité pourrait seulement entrainer l’absence de reconstruction à l’identique en cas de sinistre : seuls les travaux ou constructions légaux et donc réguliers bénéficieront de la reconstruction à l’identique.
A l’inverse, les travaux ou constructions réalisés sans permis de construire ou alors qu’il était nécessaire ne bénéficieront pas de l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme.
C’est donc le cas lorsqu’ils sont réalisés en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables qui imposaient un permis.
Si la construction était au jour de sa réalisation soumise à permis, toute nouvelle autorisation sur cette construction pourrait donc être refusée car la construction initiale est illégale. Seul, un permis, s’il est obtenu, viendra a posteriori, donner à cette construction initiale une régularité certaine
Mais, si à l’époque de son édification, aucune autorisation n’était requise, la construction, certes sans permis, bénéficie de la prescription. C’est ainsi que le Conseil d’Etat – CE,3 février 2017, n° 373898– a jugé qu’un bâtiment édifié au XIXe siècle, avant que les lois et règlements ne soumettent les constructions à un régime d’autorisation d’urbanisme, ne pouvait être regardé comme ayant été réalisé sans permis de construire au sens de l’article L. 421-9.
Saisis de ces différentes problématiques, notre analyse est avant tout une analyse du risque.
Ce risque est d’autant plus important si les actions civiles et pénales courent encore. Il s’atténue lorsque les actions sont prescrites et que la construction ou les travaux bénéficient de l’article L.421-9 du Code de l’urbanisme.
Il nous faut alors remonter dans le temps… au temps de la réalisation des travaux ou des constructions pour déterminer avec précision et certitude la nature de l’autorisation requise et en déduire si, achevés depuis plus de dix ans, les constructions ou les travaux profiteront de la prescription décennale.